L'oeuvre de Michelle Lefort sollicite d'abord notre attention par une diversité d'expressions qui s'ouvrent sur tous les possibles. Tour à tour, la peinture, la sculpture et la création de jaquettes de livres, deviennent pour elle, une rencontre avec le visible, un moyen de réinventer ainsi la vie à travers les formes qu'elle fait naître sous nos yeux.
L'artiste y rejoint une vision de l'univers qu'elle reprend et prolonge entre le réel et l'imaginaire. Son travail naît sous le signe de la proximité d'un dialogue constant, manifeste, entretenu avec une nature âpre et sauvage qu'elle tente d'apprivoiser, de retenir un instant, comme une rivière qu'on veut endiguer sans pourtant la faire dévier de sa course.
Ses images, sans être figuratives au sens habituel du terme, n'en demeurent pas moins très près de cet environnement qui inspire l'artiste et la nourrit. Ses toiles reprennent et transposent une matière informe qu'elle organise dans la mouvance d'une réalité à redéfinir constamment. Ces éléments qu'elle installe avec spontanéité émergent de l'intérieur plutôt que d'être imposés par l'extérieur de la toile.
Le mouvement se veut un moment fort de l'oeuvre. Ce flux et ce reflux qui balaient et mesurent l'étendue du support sont ponctués par des textures, des collages de sables, des grands empâtements, sortes d'encrage autour desquels s'organisent des zones plus fluides, plus translucides. La liberté d'une gestuelle surgit et se perd dans un jeu chromatique qui en fait rejaillir toute la consistance plastique.
Dans ses sculptures, l'imagination se libère des contraintes et la matière prend son élan dans un éclatement, une grande respiration. Avec les bois d'épave, l'artiste se réapproprie une nature à l'état brut pour lui donner un second souffle, une autre signification. De ces agencements, prennent forme des êtres étranges, des créations totémiques qui marquent l'espace.
Au bois, s'ajoutent les pierres, les sables, les coquillages, les algues et autres matériaux, créant ainsi un langage plastique qui épouse parfois l'environnement, le circonscrit tel un mandala ou lui confère un caractère insolite. Ses installations traduisent son attachement aux milieux naturels et son discours venant de l'intérieur, est projeté dans un champ de liberté.
Jules Arbec Critique d'art